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Sophie Buyse ; Renaissance de Zarathoustra- Nouvel -- Article--FR
 

European Centre for Zoroastrian Studies

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Sophie Buyse ; Renaissance de Zarathoustra- Nouvel

Ecrit par Sophie Buyse
Texte dédié à Khosro Khazai
Lu à l’occasion
du Nouvel An persan « Norouz » Le 21 Mars 2008

Renaissance de Zarathoustra- Nouvel

Il y a un demi siècle, dans les premiers jours du printemps, en la ville de Chiraz, un petit enfant aux yeux verts naissait dans un lit de rose. Le père possédait de grandes terres. Il avait, pour préparer la venue de son fils aîné, rassemblé les pétales parfumés des roses d’un champ de fleurs qu’il destinait, à l’origine, aux plus belles femmes de la ville et des environs.
Ce fils lui était apparu en rêve avant sa naissance et, curieusement, il l’avait vu déjà adulte lisant l’Avesta et étudiant les textes sacrés zoroastriens. Il considéra ce songe tel un présage et prépara pour ce petit garçon une venue au monde digne d’un grand sage, gardien des écritures.
Le parfum des roses, la douceur des pétales s’inscrivit profondément dans la mémoire du nouveau-né et l’inspira tout au long de son existence dans cette prolongation du plus pur plaisir et de la conviction que le bonheur est accessible à tous. L’enfant grandissait dans la joie, l’insouciance, l’amour. Il s’émerveillait à chaque instant de la beauté de la nature, de la bonté des animaux et de l’affection de ses parents.
Le père fut un peu surpris lorsque son fils lui annonça qu’il voulait étudier l’archéologie et non pas les textes de Zarathoustra comme cela lui avait été annoncé dans son rêve. Il se dit, qu’après tout, l’Iran avait grand besoin d’archéologues pour fouiller la mémoire du passé et mieux connaître ses origines cachées. Les terres regorgeaient de cités ensevelies, de trésors enfouis. Le père avait travaillé la terre, labouré, semé les champs et il lui semblait juste que son fils retourne, lui-aussi, à la terre afin de la délivrer de ses lourds secrets.
Le jeune homme étudia dans les plus prestigieuses universités étrangères, multipliant le diplômes, les maîtrises et les conquêtes féminines car sa naissance au cœur des roses l’avaient doté d’un remarquable pouvoir de séduction. Dès qu’il offrait un bouquet de roses et récitait des poèmes d’Hafez, d’Ator, de Ferdossi ou d’Omar Kayan, toutes les jeunes filles succombaient à ses charmes.
Ahura Mazda qui voyait son jeune élève s’égarer sur les chemins d’un savoir trop intellectuel, trop cérébral et d’une vie sentimentale proche de la débauche, rectifia les voies de sa destinée et le dirigea sur la route d’Arta : chemin de la pensée juste, la parole juste et l’action juste.
Un événement dans sa brève carrière d’archéologue fut, en ce sens, déterminant. Le voyageur d’Arta, en sillonnant les sites archéologiques de la Perse antique et millénaire, fut arrêté sur sa route par un massif de roses au cœur de quelques vestiges de pierres érodées par le temps. Comment donc ces roses avaient-elles surgit dans un désert de sable et de roches ? Ces roses, curieusement, étaient dépourvues d’épines et leur parfum procurait un état d’extase et de béatitude qui enivra le chercheur. Son cœur s’ouvrait à l’amour, ses sens accroissaient toutes perceptions, multipliant les délices et la sensibilité. Il embrassa le sol, ouvrit la terre de ses mains pour les mêler aux racines de ces plantes sublimes et ressenti, alors, une intense vibration partant du bout de ses doigts puis se diffusant à tout son corps. Bouleversé par ces sensations, il se demanda quelle est l’origine de si puissantes émotions ? Sont-elles provoquées par le lieu, les fleurs, un mirage ou une insolation soudaine ?
Les fleurs mystérieuses semblaient lui parler, le regarder et l’inviter à creuser le sol plus profondément. Pris d’une sorte de fièvre jubilatoire, il pénétra les profondeurs, les couches de cette terre souple et douce. Ses paumes recevaient des caresses divines en ouvrant le ventre de la terre. Ses recherches furent interrompues par le toucher d’une pierre de marbre infranchissable. Les doigts parcourant le marbre découvrirent avant les yeux que la surface était recouverte d’inscriptions en perse antique.
L’archéologue, muni d’une lampe, éclaira la pierre et déchiffra des extraits de Gathas. Emporté par l’enthousiasme, il dévêtit le reste de la pierre de son enveloppe souterraine et c’est alors, seulement, qu’il comprit qu’il venait de mettre à jour le tombeau de Zarathoustra. Il s’agenouilla, se prosterna, embrassa le marbre.
Il se demanda, soudain, s’il pouvait ou non ouvrir le tombeau et sonder les terres voisines à la recherche d’autres traces. Un grand respect pour le sanctuaire l’envahi et il se contenta de masquer sa découverte sous quelques poignées de sable pour y retourner plus sereinement et mieux outillé le lendemain car la nuit tombait. Avant de quitter cette roseraie du désert, il récolta des calices gonflés de graines et les enfouis dans ses poches.
De retour chez lui, il vit que sa ville de Shiraz était la proie des flammes. Des hommes en révolte grouillaient dans les rues, pillant et saccageant tout sur leur passage. Les terres et la demeure paternelle furent saisis. Un mandat d’arrêt l’attendait, l’accusant de fouiller la terre. De nouvelles lois interdisaient de creuser et de rechercher des vestiges se référant au culte zoroastrien.
Ainsi, ni les femmes, ni les terres ne devaient être découvertes. On recouvrit les femmes et la mémoire enfouie des ancêtres d’un voile noir.
L’archéologue eu tout juste le temps de fuir, n’emportant avec lui que quelques livres sacrés qu’il avait pu sauver du bûcher et les graines du tombeau.
Pendant son exil, il apprit le décès de ses parents et sombra dans un désespoir immense qui ne s’acheva qu’après l’étude fervente et passionnée des écrits zoroastriens. Ainsi la prophétie du rêve du père s’accomplit après sa mort. La transformation de l’homme en sage libérateur, en sochyan se produisit peu à peu.
Les années passaient et il se demandait toujours quelle magie, quel secret contenait les graines gardées précieusement au fond de ses poches…
Un beau jour, il se promenait aux serres royales de Meise en Belgique et s’entretint avec une botaniste spécialisée en diversité florale. Il lui demanda si elle pouvait redonner vie aux graines, les réveiller de leur sommeil.
Celle-ci se montra curieuse d’une nouvelle espèce de rose, inconnue en Europe et déploya de majestueux efforts pour arriver à leur éclosion qui, étrangement, coïncidait avec la date de Norouz.

Il se produisit alors un étrange phénomène au cœur de la grande serre. Les visiteurs qui passaient près des roses de Zarathoustra et succombaient à leur parfum vaporeux ressentaient une joie intense. Ils éprouvaient alors le besoin de se toucher, de s’embrasser, de se dire des paroles bienveillantes. La botaniste assistait, incrédule, à une forme de métamorphose des humains en présence des roses sacrées et avertit aussitôt son ami du prodige.
Les semaines, les mois, s’écoulaient et les fleurs ne fanaient point. Elles continuaient à exhaler leur élixir d’amour. On ne pouvait réfréner le processus qui ressemblait à une intervention divine de Zarathoustra.

Le chercheur et la botaniste eurent alors une idée de génie : produire le plus grand nombre de semences de ces roses, les croiser, les multiplier afin d’atteindre des millions de graines entreposées dans de grands sacs de toile. Ils travaillèrent plusieurs années avec passion avant d’atteindre leur but : bombarder le ciel d’Iran de graines zoroastriennes afin qu’elles germent partout sur le sol et que le vent féconde d’autres fleurs, colonisant peu à peu le pays à l’insu des tyrans qui bâillonnaient depuis tant d’années le peuple et réprimait le bonheur de tous.
Quand les boutons des fleurs éclorent, il y eu une nouvelle révolution ! Les pollens, les parfums, les nectars des roses s’introduisaient dans les narines et modifiaient les pensées. Une alchimie miraculeuse transformait un mollah ou un homme de la terreur en un être de désir, de sensualité, de chaleur humaine. Ils dévêtirent subitement les femmes de leurs voiles, leur déclarant un amour spontané, généreux à la fois tendre et charnel.
Renaissance de l’Iran, de sa population libérée de ses chaînes. Il a suffit d’une poignée de graines au fond d’une poche, il suffit parfois d’une poignée de fidèles, à l’image de tous les amis du centre Zoroastrien réunis ce soir autour de Khosro Kazai pour faire basculer l’histoire et croire encore en la renaissance de ce beau pays.

Sophie Buyse

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